La vaccination contre les papillomavirus humains : une nécessité pour tous
Cela fait quelques années maintenant que la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) est fortement recommandée pour les jeunes filles, afin de prévenir le risque de cancer de col de l’utérus. En effet, les lésions qu’entraînent certains virus de la famille de HPV peuvent se traduire en cancer des années plus tard. Mais les jeunes filles ne sont plus les seules concernées. Les jeunes garçons sont désormais aussi sur la liste des personnes pour qui le vaccin est recommandé, notamment pour prévenir la survenue de cancer de la gorge, dont certains HPV ont été identifiés comme facteurs de risque indépendant.
Pour retracer l’histoire de la découverte du caractère oncogène des HPV et de la vaccination, nous avons discuté avec Amandine Gagneux-Brunon, infectiologue au Centre Hospitalo Universitaire (CHU)de Saint-Etienne et chercheuse au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI)de Lyon.
Un lien causal mis en évidence depuis longtemps
Le lien de causalité entre le cancer du col de l’utérus et un virus HPV est ancien. “Depuis les années 70, l’hypothèse d’un virus responsable du cancer du col de l’utérus a été émise” rappelle Amandine Gagneux-Brunon. La spécialiste complète son explication par une date historique clé : “en 1983, un médecin virologue Allemand du nom de Harald zur Hausen a mis en évidence le caractère oncogène de plusieurs HPV. Il existe plus de 200 génotypes d’HPV identifiés à ce jour.” Parmi ces virus, certains n’entraînent que des lésions bénignes que l’on appelle condylomes. En revanche, d’autres ont des conséquences sur le fonctionnement profond de nos cellules, bouleversent leur biologie et se traduisent par des cancers des années après l’infection.
Des vaccins qui se sont progressivement développés…
Il existe un point commun à toutes les familles de virus et les HPV ne dérogent pas à la règle. À leur surface, ils expriment une protéine : la protéine L1. Dès lors, l’objectif des vaccins, c’est d’injecter des bouts de virus qui expriment la protéine afin d’engendrer la production d’anticorps contre ces virus. Contre les HPV, nous disposons de vaccins sûrs depuis plus d’une décennie : “les premières études qui ont mis en exergue l’expression de la protéine L1 à la surface des HPV ont eu lieu en 1993. Le développement des vaccins avec les différentes phases préclinique et clinique a eu lieu entre 2003 et 2007. Depuis cette date, nous disposons de vaccins efficaces et sûrs contre les génotypes de HPV les plus fréquemments responsables de cancers” assure Amandine Gagneux-Brunon
mais qui ne dispensent pas d’un dépistage régulier
La vaccination est un progrès médical immense. Pour autant, dans le cadre du cancer du col de l’utérus, elle ne dispense pas d’un dépistage. Cela ne veut pas dire que les différents vaccins ne sont pas efficaces. Nous sommes simplement face à une mesure qui traduit l’incertitude liée aux HPV non répertoriés et à la faible couverture vaccinale. Aussi, on ne dépiste plus les anomalies cellulaires mais l’infection à HPV.
Un vaccin pour toutes et tous
Les vaccins HPV ne sont plus synonymes de protection unique contre le cancer du col de l’utérus. Ils protègent également les garçons contre des cancers induits par l’infection persistante à HPV comme les cancers des voies aérodigestives supérieures : “depuis le 1er janvier 2020, la vaccination est fortement recommandée pour les 11–14 ans et peut-être faite jusqu’à 19 ans. Aujourd’hui, le vaccin est aussi remboursé pour les garçons” se réjouit Amandine Gagneux-Brunon. Pour certaines populations à haut risque, notamment les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes à cause de l’infection possible par les HPV du canal anal, la vaccination peut-être rattrapée jusqu’à 26 ans.
L’évolution de la couverture vaccinale
Depuis que les vaccins sont disponibles, la couverture vaccinale augmente en France. Pour autant, celle-ci reste lente en regard de son importance sanitaire : “suite aux premières polémiques, l’adhésion à la vaccination HPV a chuté. Puis, lorsque la confiance a été rétablie, elle a augmenté de nouveau. Actuellement, la couverture vaccinale pour une dose est de 40 % chez les jeunes filles de 15 ans, ce qui est insuffisant pour une protection globale comme l’ont obtenue des pays comme l’Australie. Pour les garçons, étant donné que les recommandations sont récentes, nous n’avons pas encore de données sur la question” précise Amandine Gagneux-Brunon.
Un combat de santé publique
Le vaccin contre HPV n’est pas obligatoire. Dès lors, le vrai combat réside dans la communication pour que le grand public adhère à la nécessité de se faire vacciner pour eux et pour les autres : “actuellement, le problème central est la méconnaissance des infections par HPV, même chez les étudiants dans le domaine de la santé. Généralement, ces derniers connaissent les HPV mais le lien avec une infection sexuellement transmissible (IST) n’est pas toujours évident et les risques autres que le cancer du col de l’utérus sont mal connus” déplore Amandine Gagneux-Brunon.
Les obstacles à la vaccination
Plusieurs obstacles nourrissent également le phénomène d’hésitation vaccinale concernant le vaccin HPV. Premièrement, le prix : “le coût du vaccin HPV est de 130 euros. Evidemment, il est entièrement pris en charge par la sécurité sociale et la mutuelle, mais pour des populations à faible niveau socio-économique, cela peut-être une vraie réticence.” explique Amandine Gagneux-Brunon.
Deuxièmement, les croyances infondées : “certains parents pensent que le fait de se faire vacciner contre une IST va accélérer l’entrée de leur enfant dans la sexualité. D’autres ont accordé du crédit à certaines polémiques sur la dangerosité du vaccin, dont l’innocuité et les bénéfices ne sont plus à démontrer désormais” rappelle Amandine Gagneux-Brunon.
Troisièmement, l’absence de totem d’immunité des médecins contre l’hésitation vaccinale, même lorsque ces derniers sont sécures : “Les vaccins HPV n’ont pas le même statut que les autres dans l’esprit collectif, même chez les médecins. Le fait qu’ils soient plus récents pose parfois problème. Aussi, les médecins manquent de temps pour lire les données issues de la recherche et ne sont pas formés pour savoir comment réagir face à une personne qui hésite à se faire vacciner” développe Amandine Gagneux-Brunon.
L’importance de la bonne information
La communication est donc un défi majeur dans le cadre de la vaccination à HPV. La pandémie de covid-19 a relancé l’intérêt pour les questions d’ordres médicaux au sein du grand public. Quels impacts va-t-elle avoir à long terme ? Cela reste difficile à dire : “on espère que l’omniprésence de ces sujets dans les médias généralistes du fait de la pandémie ont permis à la population de mieux comprendre et de faire confiance à la communauté médicale” confie Amandine Gagneux-Brunon.
Un projet de recherche national
Amandine Gagneux-Brunon fait actuellement partie d’un projet de recherche national nommé PrevHPV. Ce dernier regroupe huit équipes de recherches et tente, via l’éducation et la mobilisation de multiples corps de métier- des chercheurs aux professeurs de Sciences et Vie de la Terre en collège — , de sensibiliser à l’importance de la vaccination HPV : “ce projet a pour but de rendre l’information sur la vaccination HPV plus accessible, surtout au sein des collèges et de pouvoir vacciner au sein des établissements scolaires.” s’enthousiasme Amandine Gagneux-Brunon.
Chercher la bonne information au bon endroit
S’il est un combat de ce début de XXIème siècle, c’est celui-ci. La totalité des domaines scientifiques, dont la médecine, progressent à une vitesse grand V. Augmenter le niveau de connaissance de la population est donc primordial. Savoir distinguer la “bonne” information de la “mauvaise” est un luxe. Collectivement — de la société savante au citoyen informé — nous devons tout faire pour réduire les inégalités qui règnent dans l’acquisition de telles compétences. Il en va de notre santé.